des déportés d'Auschwitz |
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de la DEPORTATION et de la SHOAH |
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L’enseignement de la Shoah entre citoyenneté et violence Georges Bensoussan, historien photographies prises par Nicole Mullier rappel : la conférence du 24 mai 2000 Un sujet impossible à épuiser en 40 mn
I - Les difficultés de méthode : GB conteste une question fréquente posée
aux historiens de la shoah : l’historien est-il juif ou non ?
Poser cette question, c’est poser celui de la validité de toute démarche d’historien. C’est poser en préalable celle de son appartenance à un clan, à une tribu. C’est le nier comme sujet. Et établir comme préalable que seul un historien juif pourrait étudier la shoah, voire qu’un historien juif séfarade ne pourrait pas " comprendre ". GB insiste ensuite sur le risque de confusion dans le vocabulaire, Confusion entre génocide et massacre, entre ethnocide
et génocide.
Problèmes posés par une approche mystique : C’est en partie celle d’Elie Wiesel qui, tout à la fois, affirme que face au gouffre que représente la shoah seul le silence est possible mais qui redoute l’oubli rapide de la shoah. Celle de Claude Lanzmann pour qui la shoah ne peut
être ni expliquée ni comprise.
De plus, en affirmant dans Sobibor que le destin des juifs
a basculé le 16 octobre 1943, il tord l’histoire.
Le risque du relativisme, du comparatisme débridé. GB préfère parler de spécificité de la shoah, plutôt que de singularité : tout événement historique est par nature singulier. 2 séries de causes à cette relativisation
:
. GB refuse la sacralisation des archives et des témoignages
:
Les délibérations des Judenrat, conseils juifs, ne sont pas à prendre au pied de la lettre : ceux qui les synthétisent vivent dans la crainte que les nazis ne s’emparent des registres et ne s’en servent. De même pour les témoignages : ceux de 1946,
proches de l'événement, ne sont pas forcément les
plus fiables : le contexte de la fin de la guerre, les enjeux conduisent
à occulter certains aspects de la réalité. Les témoignages
écrits 40 ans plus tard peuvent être dépassionnés
et plus fiables.
II - Trois mythologies Un traumatisme qui se transmet sur plusieurs générations, qui induit des mythologies pour survivre. Pas d’erreur historique, mais une déformation de la mémoire collective. - Mythologie 1 :
Cette survalorisation accrédite l’idée inverse
de passivité coupable des victimes, en qui les contemporains ont
voulu voir des moutons.
Mais y a-t-il jamais eu des victimes honorables ? L’histoire officielle a accrédité l’idée que la Résistance dans le ghetto était le fait des sionistes de gauche. C’est oublier le fait que les partisans de Jabotinsky, le Bétar, les sionistes de droite, sont aussi en première ligne. Ne pas oublier la Amida (se tenir debout) : le rôle
de l’entraide, des réseaux d’école dans le ghetto
- Mythologie 2 :
Dans cette vision, la création de l’Etat d’Israël (Eretz Israel ) aurait été une compensation imposée par l’occident, au détriment des Arabes innocents. GB relève l’absence de compassion aux EU et au
Royaume-Uni
Il note que George Marshall était hostile à la création de l’Etat d’Israël, et qu’il a presque convaincu H Truman Le vote de la résolution de l’ONU (29 novembre
1947) serait resté lettre morte s’il n’y avait pas eu la détermination
La shoah n’est donc pas à l’origine de l’Etat d’Israël.
- Echec moral : seule une minorité de juifs rejoignent la Palestine, et c’est souvent contraints et forcés pour ceux qui vivaient en Allemagne ou en Autriche. - Echec politique : la communauté juive a été incapable de secourir les juifs d’Europe - Echec démographique : la shoah a anéanti
les réserves démographiques dont l’Etat d’Israël avait
besoin pour exister durablement.
- Mythologie 3 :
En fait, sous la pression des dirigeants arabes, ce chiffre
a été réduit à 49 410 entrées entre
1939 et 1944. Cette pression sur Londres a empêché de sauver
des vies humaines.
Lorsque Rommel arrive à 80 km du Caire, les dirigeants juifs ont pensé évacuer la Palestine, pour éviter le massacre avec l'aval de la population arabe. Le Mufti de Jérusalem, pourtant informé
de l’extermination, s’oppose à l’arrivée des juifs d’Europe.
III Difficulté de penser et d’enseigner l’évènement : Comment penser un événement marqué de bout en bout par le tragique qui met en danger notre psychisme ? Comment regarder l’insupportable ?
La déréliction absolue parvient aussi
à paralyser l’entendement.
Comment réagit le monde des théologiens
juifs ?
Cet ébranlement qui touche l’ensemble du monde
juif se propage par vagues concentriques à l’ensemble du monde occidental,
et la déréliction totale fait perdre la tête à
tous les contemporains.
Ainsi, les jugements de valeur sur l’attitude des Conseils
juifs font oublier le contexte et les conditions dans lesquels ceux-ci
ont travaillé. On les a accusés de collaboration.
Le compassionnisme, l’empathie sont aussi aux antipodes d’un regard critique. GB prend l’exemple des combattants de 1914-1918.
Sur France Culture, Stéphane Audoin-Rouzeau conteste
cette vision : la pire des trahisons, selon lui, ce serait de les présenter
comme des victimes. Les soldats de 1914-1918 ont souffert terriblement,
mais ils savaient pourquoi ils étaient là. C'était
des combattants, ils n’étaient pas des victimes.
En Israël, la mémoire collective occulte
l’histoire : le jour de la Shoah est aussi celui des héros.
D’où les 3 fêtes nationales qui se suivent
au printemps, la commémoration de la Shoah étant suivie de
la journée des soldats morts dans les guerres modernes d'Israël,
puis celui de l’indépendance nationale.
Le film de Steven Spielberg, La liste de Schindler passe du noir et blanc à la couleur pour montrer la marche des survivants vers Jérusalem. C’est affirmer la possibilité d’une rédemption, le lien entre sionisme et Shoah, et le lien entre la destruction des juifs d’Europe et la création de l’Etat d’Israël offert en compensation du crime (en contradiction avec ce qu’affirme GB dans cette conférence, voir plus haut) GB refuse cette mémoire collective instrumentalisée, et les jugements massifiants (par exemple, dans la France de Vichy, " Tous résistants ", " Tous collabos ".) Il cite une intervention devant une classe, où il avait évoqué le sort d’un couple juif lors de la rafle du Vél d’Hiv. Le mari est arrêté et déporté. La femme parvient à fuir avec son jeune enfant. En Lozère, des Français la dénoncent à la police, lors d’un contrôle dans un autobus. Mais d’autres voyageurs la sauvent des griffes de la police française. Dans le souvenir des élèves, cette femme
a été arrêtée par la Gestapo !
GB pose 3 autres questions, en vue du débat : - difficulté, pour nous, à penser la relation culture - barbarie (Libération a titré, en avril dernier, la culture ne protège pas de la barbarie) : on confond culture et pensée. Comment admettre qu’un pays de grande culture, comme l’Allemagne, ait laissé ses dirigeants planifier la destruction des juifs d’Europe ? - Le jugement historique face aux jugements de valeur - Peut-on réduire l’identité juive à la mort, ou plutôt au vide provoqué par la shoah ? Lors du débat, GB a insisté sur les
difficultés à enseigner la shoah, en 2002, du fait du développement
d’un antisémitisme propre à une partie de la population française.
Des jeunes français juifs n’osent plus porter la kippa, et doivent la masquer sous une casquette. Beaucoup ont dû quitter les écoles publiques laïques, et rejoindre des écoles religieuses. Pour lui, il n’y a pas de lien entre l’antisémitisme en France et la situation au Proche-Orient : en 1994, les premiers gestes antisémites correspondent aux accords d'Oslo. La poussée antijuive d'octobre 2000 et février 2001 n’est pas non plus liée à l’Intifada : le gouvernement israëlien était dirigé par le travailliste Ehoud Barak. Il conteste certaines dénégations récentes
:
Aujourd’hui, selon GB, nous sommes en présence d'un problème de fond que les autorités et la population française refusent de prendre en compte. Notes personnelles, D Letouzey - N Mullier - 7/12/2002 |
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