Amicale 
des déportés
d'Auschwitz 
CERCLE D'ETUDE 
de la DEPORTATION 
et de la SHOAH
APHG
(Association
des 
Professeurs
d'Histoire
Géographie)
.

Journée du 15 décembre 2000

RESISTANCE, INTERNEMENT ET DEPORTATION
DANS LE COMMANDEMENT MILITAIRE ALLEMAND
DE BELGIQUE OCCUPEE
ET DU NORD DE LA FRANCE


Trois photos :
Présentation par Raphaël Esrail (de gauche à droite :  Henry Bulawko, Maxime Steinberg, Danièle Delmaire, Raph Esrail )
La conférence de Maxime Steinberg
( de gauche à droite : Marie Paule Hervieu, Bernard Krouck, Henry Bulawko, Maxime Steinberg, Danièle Delmaire )
L'intervention de Danièle Delmaire (de gauche à droite,  Nathan Ramet, D. Delmaire, Eva Fastag )
 
 

- La mission de Victor Martin
Vidéo de Didier Roten, d'après un livre de Bernard Krouck

Le comité de défense des juifs de Belgique envoie Victor Martin, un résistant du Front de l’Indépendance, enquêter sur le sort des juifs de Belgique déportés vers l’est, car on reçoit de l’Est des messages " heureuse arrivée à destination ", puis c’est le silence.

Sous prétexte de faire une étude sociologique auprès du professeur Léopold von Wiese, Victor Martin se rend à Cologne, où il fait ses fiches, puis en Silésie, à Sosnowiec, un ghetto ouvert. Là il interroge des gens à l’hôpital, un Belge lui parle des enfants et des vieillards qui disparaissent.

Il veut vérifier les faits. Victor Martin se rend à Katowice où il rencontre des Français du STO qui travaillent pour le complexe d’Auschwitz. Il parvient sur le chantier avec un Ausweiss. Il s’approche de la barrière, voit des "musulmans". On lui apprend qu'un énorme crématoire a été construit pour 2000 à 3000 personnes. Des trains arrivent de nuit avec des femmes et des enfants qu’on ne voit jamais.

Comme il cherche à savoir ce que sont devenus les femmes et les enfants, les vieux, sa curiosité le rend suspect, il est arrêté, transféré à la prison de Katowice. Il est pris pour un espion industriel. Vérification faite, son emploi du temps paraît normal quand il fait son enquête sociologique, mais pourquoi la Pologne ?

Son passeport est confisqué et il est affecté au camp de Radwitz où bénéficiant de la liberté d’un STO, il prend le train pour Aix la Chapelle et de train en train, sans papier, passe la frontière près de Malmédy clandestinement et arrive à Bruxelles.

Tout comme le télégramme de Gerhart Riegner du congrès juif mondial, sur l’extermination des juifs qui alerta dès mars 42 le nonce à Berne, puis Londres, Washington, et le Comité international de la Croix rouge, sur l’extermination des juifs d’Europe, le message de Victor Martin eut peu d’écho.

" Femmes et enfants exterminés. Hommes esclaves travaillant jusqu’à l’épuisement, ensuite supprimés. "

Le comité de défense des juifs rapporte les massacres de juifs dans son journal Le Flambeau en 1943 et dans un tract pour que les juifs ne répondent pas à une convocation au camp de Malignes. On a été alors convaincu de l’obligation de mettre les enfants juifs à l’abri.

Pourquoi cette nouvelle n’eut pas d’écho ? L’antisémitisme n’existait pas que chez les nazis. On disait que les juifs voulaient pousser Roosevelt à la guerre. Les organisations juives américaines n’ont rien dit pour ne pas être mêlées à la propagande.

Victor Martin est l’homme dont on n’avait jamais parlé.
 

- "La Résistance et la Déportation des Juifs en Belgique occupée",
conférence de Maxime Steinberg,
professeur associé à l'Institut des Hautes Etudes du Judaïsme,
Université Libre de Bruxelles.

En Belgique, où le souvenir de l’occupation et de la déportation de main d’œuvre en 14-18 est très fort, on ne peut déporter massivement les juifs sans réactions de la population. La sécurité du Reich à Wannsee, a évalué à 43 000 les personnes de race juive en Belgique.

La première déportation a lieu le 10 mai 1940 avec l’arrestation de suspects juifs allemands et autrichiens, déportés dans le sud de la France, à Saint Cyprien.

Les Belges pratiquent la politique du moindre mal. Le projet d’instaurer un commissariat royal aux questions juives n’aboutit pas. Les Belges font une grande différence entre juifs belges et juifs de Belgique. Même la reine intervient auprès d’Hitler pour sauver les juifs belges.

Dans un pays où 90 % des juifs sont d’" importation ", de Pologne, d’Allemagne et d’Autriche, seuls les juifs étrangers doivent se faire recenser. Alors pour les autres, qui doivent s’inscrire sur le registre spécial, les autorités d’occupation utilisent les notables du Judenrat. L’AJB, Association des juifs de Belgique est créée sur l’ordre de l’occupant en 41. Elle se chargera de distribuer les étoiles, le 1 juillet 1942 à Bruxelles. A Anvers, les autorités locales ont prêté leurs services.

L’AJB convoque les travailleurs juifs à Malines pour être affectés aux camps de l'organisation Todt du Nord de la France pour réaliser le mur de l’Atlantique. 3900 se présentent sur 10 000.

En effet, il y a des différences entre Anvers, où les juifs sont visibles, car immigrés récents, où la police participe aux rafles pour boucler les quartiers, les 15-16 et 28-29 août 42, où 3000 sont pris, et Bruxelles, où les autorités refusent de participer au nom de la dignité humaine, où les Allemands peu nombreux, doivent faire appel aux Feldgendarmes et SS flamands, les 3-4 septembre 42, pour 1000 juifs.

On parle d’évacuation, on mêle aux travailleurs forcés, 10 % de femmes et d’enfants, inaptes au travail. Les juifs belges peuvent rester.

Le comité de défense des juifs organise le sauvetage des enfants. Et les juifs ne répondent pas aux convocations arrivées par la poste d'après les listes du Judenrat. Ils se cachent.

Des dizaines de SS parviennent à déporter 25.000 personnes. Les Allemands ont trouvé des relais dans la société belge et parmi les juifs.
 

- "Les Camps du Nord- Pas de Calais, les rafles et les déportations",
conférence de Danièle Delmaire,
professeur à l'université de Lille III

Dans le Nord - Pas de Calais, dès 1940, les juifs de la côte sont évacués à Troyes en tant que " personnes dangereuses face à la menace anglaise "

A Lens, dans les corons les juifs qui ont suivi les Polonais ont du mal à s'intégrer. La rafle a été très efficace car ce sont des juifs étrangers. Ils seront déportés à Malines.

Des infirmières protestantes sont venues chercher les enfants qui ont été dispersés dans les fermes du Cambrésis.

A la gare de Fives-Hellemmes, (Lille) des dizaines de juifs ont réussi à sortir du train grâce à la complicité des cheminots et ont trouvé à se cacher dans la population protestante du Cambrésis.

En 1942, le Reich se sent menacé. Au camp de Dannes – Camiers, des juifs sont rassemblés pour travailler à "protéger l’Europe des Anglais" dans l’organisation Todt.

Le camp des îles d’Aurigny est évacué vers les camps du Boulonnais. Ils sont utilisés au déblaiement des routes et voies ferrées.

Mais les travailleurs seront déportés, la solution finale l’emporte sur la défense du Reich.
 

- Témoignages sur les camps de Belgique et du Nord de la France,
par Nathan Ramet, Lili Rozenberg, Eva Fastag.

Nathan Ramet, né à Varsovie, a étudié à Anvers. Il a dû quitter l'école et porter l'étoile. Il a été déporté à Malines avec son père, sur convocation. Il connaît divers camps de Haute Silésie, annexes d'Auschwitz : Babice, Trezbinia. Après avoir reçu des coups, son père meurt. A Birkenau, lors d'une sélection, il est séparé de son oncle. Il participe au déblaiement du ghetto de Varsovie pour récupérer des briques, puis aux marches de la mort et a été libéré par les Américains.

Eva Fastag, de Varsovie est venue à Anvers avec sa famille pour organiser leur départ vers l’Amérique, mais la famille est coincée par les lois d’arianisation des entreprises et ne peut travailler. Polyglotte, elle trouve des petits boulots, mais un soir, elle est prise dans une rafle, passe par Breendonck et la caserne Dossin de Malines. Elle sert de secrétaire pour enregistrer les juifs qui sont convoqués pour les "camps de travail", et si elle ne parle pas allemand elle reçoit des coups.

Lili Rozenberg, dont les parents originaires de Hongrie se sont  installés  à Roubaix, est arrêtée en 1943, avec sa famille, par la Feldgendarmerie, ( police motorisée allemande). Elle est amenée à la prison de Loos, à Saint Gilles, près de Bruxelles, à Malines, puis déportée à Ravensbrück et Bergen-Belsen.
Les trois enfants et la mère sont revenus à Roubaix, où difficilement ils ont réappris à vivre. Le père a été mitraillé quelques jours avant la libération de Buchenwald.
KROUCK Bernard, La mission de Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, Les Eperonniers, Bruxelles, 1995

STEINBERG Maxime, L'étoile et le fusil, la question Juive, 1940-1942, Vie Ouvrière, Bruxelles, 1986. L'étoile et le fusil, la traque des juifs, 1942-1944, L'étoile et le fusil, 1942. Les cent jours de la déportation des juifs de Belgique, Vie Ouvrière, Bruxelles, 1984.

STEINBERG Maxime, Les yeux du témoin et le regard du borgne, L'Histoire face au révisionnisme, CERF, Paris 1990.

DELMAIRE Danièle, Les camps des juifs dans le Nord de la France (1942-1944), dans Memor, n.8, oct. 1989.

- Musée juif de la Déportation et de la Résistance (Caserne Dossin - Malines) dont Nathan Ramey est président.
: http://www.cicb.be/

- Camp de Breendonk : http://www.breendonk.be/
http://www.jewishgen.org/ForgottenCamps/Camps/BreendEng.html

- Dannes-Camiers : http://www.dannes-camiers.org/fr/

- Camp d'Auschwitz : http://www.auschwitz-muzeum.oswiecim.pl/

Nicole Mullier, 14/01/2001
mise en ligne DL
daniel.letouzey_at_ac-caen.fr