Amicale 
des déportés
d'Auschwitz 
CERCLE D'ETUDE 
de la DEPORTATION 
et de la SHOAH
APHG

 
Mercredi 23 avril 2003 - 14 h 30 

LE SOULEVEMENT DU GHETTO DE VARSOVIE

Conférence- débat avec Larissa Cain, «une enfance au  Ghetto»
Projection du film : Requiem pour 500 000, Jerzy Bossak et  Waclaw 
Kazmierczak,  documentaire de 1963

Elisabeth Brisson, une séquence pédagogique : Le pianiste de R. Polanski
Intervention de témoins sur le ghetto
Mme Janine Pieprz-Den, 
Mme Liliane Goldberg.

Au Lycée Edgar Quinet, 63 rue des martyrs,  75009 Paris

compte rendu - Les témoins - Le pianiste - une chronologie  - des sites web


 
1- Projection du film de Requiem pour 500 000
film polonais, de  Jerzy Bossak et Waclaw Kazmierczak, documentaire de 1963. 

Lorsque les Allemands entrent en Pologne, ils constituent le ghetto de Varsovie dans lequel il y plusieurs classes de population. Des points de passage sont contrôlés par  la police juive, polonaise et allemande. Les juifs  croient encore que la mort n'est pas le sort de tous.  Certains sont déportés, mais d'autres espèrent trouver un travail dans une entreprise allemande. On voit la police juive rassembler son contingent de 5 à 6000 personnes par jour, qu'elle dirige vers  l'Umschlaglatz, la place des transbordements. 
Certains refusent la capitulation, organisent de la contrebande, des journaux, des concerts.  Les juifs de Varsovie se soulèvent le 19 avril 1943 à l'appel de l'organisation juive de combat. «  En dépit de nos engins blindés des juifs ont réussi à nous repousser » écrit Jürgen Stroop. Par le feu, le ghettto a cessé d'exister.
Les images ont été tournées par des soldats allemands, la musique est insupportable, ce film est daté politiquement, mais ces documents sont émouvants.

2 Larisssa Cain
Larissa Cain fait allusion à Joe J. Heydeckert, un soldat de la Wehrmacht qui a fait des photos sur les habitants du ghetto en 1941,  montrant leurs conditions de vie. ( quelques photos sont exposées dans la salle.)
Larissa Cain avait 8 ans lorsque le ghetto est bouclé le 16 novembre 1940. Une passerelle relie en 1941 le grand et petit ghetto. Les habitants s'entassent à 8 personnes par pièce. Sa maison était incluse dans le petit ghetto.
 Les Allemands ont imposé un Judenrat de 24 membres dirigé par Czerniakow. La police devait maintenir l'ordre. Dans le film il est dit que les juifs étaient dociles. Mais il y avait une résistance civile. La première réponse du ghetto, c'était survivre. Ils ont organisé des cantines avec l'aide du Joint américain. 
Un  comité des immeubles se forma, servant d'entraide sociale, avec  une cantine, distribution d'habits pour les enfants. L'aspect de solidarité a été très important.
 Les écoles étaient interdites en Pologne. Il y avait au ghetto, toute une vie clandestine, des écoles, des lycées, une faculté de médecine qui a fait un travail sur l'action de le faim sur l'enfant.
Il y avait une vie politique très importante. Avant la guerre la société juive était très politisée. Il y avait un parti religieux orthodoxe sioniste,  il y avait  le Bund qui recrutait parmi les ouvriers juifs. En effet la majorité des juifs était extrêmement pauvre. Il y avait les partionnistes. Il y avait  le PC polonais, interdit par Staline en 1938, resuscité en 1942. Il y avait des journaux. 
Chaque parti politique  avait ses mouvements de jeunesse. Ces jeunes deviendront les combattants du ghetto.
Ces jeunes s'échappent du ghetto, parcourent la Pologne, vont dans la partie annexée par l'URSS, circulent pour transporter des informations, des tracts, de l'argent, des armes et combattre dans d'autres ghettos.
Par exemple, lorsque Hitler attaque l'URSS le 22 juin 1941, la Wehrmacht est suivie par les Einsatz gruppen. Immédiatement 1 million de juifs sont massacrés. En octobre, la nouvelle de ces massacres parvient au ghetto. Une émissaire part à Wilno, Frumka. D'abord, il faut qu'elle sorte du ghetto, avec une pelle, comme quand on va au travail, ce qui était très dur. Il faut qu'elle s'écarte du groupe, enlève son brassard ( obligatoire à partir de 12 ans à Varsovie),  dans la partie polonaise. 
Il n'est pas question de prendre le train, c'était l'endroit le plus facile pour se faire attraper. Elle fait des kilomètres à pied (400). Quand elle arrive, fin janvier 1942, Wilno a perdu 20 000 juifs fusillés dans les forêts de Ponary. Elle se rend en Polésie, en Volhynie, ( Bielorussie, Ukraine),   il n'y a plus rien, plus de communautés juives. 
Elle écrit dans une lettre parvenue à Genève : « Je me sentais comme le fossoyeur du peuple juif. »

Le ghetto pense que les Allemands ont commis ces massacres parce que c'étaient des territoires occupés par les communistes. On ne prend pas la mesure que c'est le début de la solution finale. 
On pense que  « le monde libre ne laissera pas faire à Varsovie ce qu'ils ont fait à Wilno».

La première résistance armée.
Joseph Lewartowski a été envoyé par les Russes pour reconstituer le PC et créer un deuxième front contre les allemands. Il est l'initiateur de la première organisation, le Front antifasciste, avec des communistes et des partis sionistes de gauche, en mars 1942. Cette organisation est déjà démantelée par les Allemands en mai. Ils  avaient déjà formé des groupes de combat. Ils espéraient recevoir des armes. Les groupes sont dissous, ceux qui ont été arrêtés sont fusillés, l'organisation est anéantie.
Pendant ce temps, Treblinka est prêt. Après avoir gazé à Chelmo dans des camions, des chambres à gaz de 250 personnes ont été construites à Treblinka.

Le 22 juillet 1942, c'est la grande déportation.
Sur des affiches, les Allemands promettent 3 kg de pain et 1 kg de confiture pour les volontaires  qui se rendront sur l'Umschlagplatz. On disait que les familles ne seraient pas séparées. Les Lettons, les Lituaniens,  les Allemands, et les Ukrainiens qui ont reçu une formation spéciale à Trawnicki, encerclaient et criaient autour des immeubles « Raus », « Alle Juden unten », 
Pour le moindre écart, on tuait ces « juifs dociles », mais ces gens étaient des civils, il fallait que cela se passe vite. « Schnell ». que faire contre une force aussi importante ? Il y a des gens qui se sont jetés contre les Allemands. Samuel Breslau  avec un couteau à cran d'arrêt,  est abattu.

Le 28 juillet se crée le premier noyau de l'Organisation juive de combat, avec trois organisations de jeunesse sioniste, Hashomer  Hatsaïr,  Dror, Akiba. Ils décident d'acquérir des armes. Ils ont des revolvers.
Le ghetto veut savoir. Zalman Friedrich, un membre du Bund, va vouloir savoir ce qui se passe avec les trains qui partent à Treblinka. Grâce à des cheminots polonais, il part à Sokolow, près de Treblinka. Il rencontre un membre du Bund qui vient de s'échapper de ce camp qui est dans une région boisée, à l'écart des villes. David Nowodworski lui explique que les trains s'arrêtaient à la première barrière et là les déportés devaient laisser près du train leurs bagages. Puis des jeunes, forts, devaient transporter ces biens dans des hangars avant qu'ils soient expédiés en l'Allemagne. Cet évadé,  raconte comment cela se passe ensuite :  quelques jeunes sont sélectionnés pour les travaux, et on gaze les femmes et les enfants le jour, les hommes, la nuit.
Le Bund publie dans son bulletin une mise en garde contre les transferts à l'est. « Ne vous laissez pas emmener. Ne les laissez pas vous anéantir. » 
Qui savait quoi, quand et comment ?
Comment envisager qu'on pouvait organiser des usines de mort ? On ne pouvait penser à une extermination totale.
Le 13 septembre la déportation prend fin. Le 21, les Allemands déportent les policiers juifs.

Après « l' Aktion », le ghetto devient un camp de travail. Plus de 300 000 juifs ont été gazés à Treblinka. Il reste 50 000 juifs à Varsovie dont 35 000 travaillent dans les trois secteurs du ghetto. Certains se cachent, « les chats sauvages. »
Le ghetto est partagé en trois zones : le ghetto central, le secteur des shops avec les entreprises allemandes Schutlz et Többens, et le secteur de la fabrication des brosses. Il est interdit de se déplacer entre les trois sauf pour le travail.
C'est à ce moment là que se crée un comité de coordination de l'OJC, le 20 octobre.
L'OJC délègue des membres des différents ghettos. Il faut des armes.
Ils envoient Arié Wilner, un grand blond aux yeux bleus, à la résistance polonaise. Il y a l'armée nationale qui dépend de Londres et l'armée de l'intérieur. Les Polonais sont très patriotes, mais malheureusement très antisémites. Dans le film, on parle du parti ouvrier, c'est le PCP,  le parti communiste polonais, ils sont peu nombreux, mais ceux eux qui ont le plus aidé à acquérir des armes. Arié Wilner essaie d'entrer en contact avec le résistance polonaise, mais très peu d'armes leur  sont parvenues, certaines étaient défectueuses. Il a été pris et torturé par la Gestapo. Il a fallu que des émissaires s'adressent à des revendeurs au marché noir. 
 Un jeune bundiste, Michal Klepfiz, est envoyé du côté polonais pour entrer en contact avec un ingénieur de l'armée polonaise, qui lui apprend à fabriquer des grenades et des bouteilles explosives.
 Il fait entrer au ghetto du pétrole et des produits chimiques pour fabriquer des explosifs : en février 1943, Michal  à cheval sur le mur du ghetto, faisait passer des bidons pour fabriquer des armes dans le ghetto.
Se mêlant à des travailleurs forcés, Frumka a mis ses armes au fond de son panier recouvert de pommes de terre. L'Allemand de garde n' a rien vu. Frumka peut rentrer dans le ghetto. Le 3 septembre,  Regine Justman se fait prendre  et elle est arrêtée avec ses armes.

La résistance du ghetto.
Le premier soulèvement du ghetto de Varsovie, le 18 janvier 1943, est une réponse spontanée de l'OJC à la deuxième « Aktion ». Les Allemands veulent mettre fin au ghetto. Mais s'ils déportent environ 6000 personnes et en tuent mille, des Allemands sont tués, alors ils s'arrêtent 4 jours plus tard. Le ghetto sait qu'il y aura une dernière déportation. Les combattants s'organisent. Ils fabriquent des armes.
Le 19 avril 1943, les Allemands entrent en tenue de combat, dans le ghetto central. Ils sont attaqués par les combattants juifs. Au bout de quarante minutes ils se retirent de ce secteur et à 14h il n'y a plus d'Allemands.- Il y a soixante ans, le 23 avril, c'était le quatrième jour de l'insurrection. -
La lutte a changé de nature. Les Allemands attaquent secteur par secteur : le 20 avril c'est le secteur des brosses, le 21 le secteur des shops, le 22 les industriels allemands ne peuvent plus protéger leur secteur et leurs machines. Le 23 les Allemands renoncent à combattre. Ils vont liquider le ghetto par le feu et le gaz. Ils utilisent des lance-flammes. Dans le film, on voit une femme qui se jette d'un immeuble en flammes.)
Les juifs se replient dans des cachettes souterraines, les bunkers. Ils sortent la nuit pour attaquer les patrouilles.
Le monde libre est resté passif, alors que les juifs ont combattu 27 jours. 

[Un millier de combattants, pratiquement sans armes, réussit à immobiliser pendant 27 jours la « meilleure armée du monde ». Anielewicz voulait sauver « l'honneur juif » écrit  Raul  Hilberg]

Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne 1943, éd. Autrement, 2003
Joël Kotek,  L'insurrection du ghetto de Varsovie, textes réunis autour de Raul Hilberg, éd Complexe, 1994 
Joe J. Heydecker, Das Warschauer getto, dtv, 1983, préface de Heinrich Böll

Nicole Mullier


Mme Janine Pieprz-Den,  avait 15 ans dans le ghetto :

Les premiers jours de l'occupation étaient supportables malgré les humiliations, les restrictions, le brassard avec l'étoile de David, les hommes en danger d'être attrapés pour les travaux forcés. Les restaurants, les théâtres étaient interdits aux juifs. 
1940 création du  ghetto. Chaque appartement de 5 pièces accueillait 5 familles. Les gens devaient prendre le strict minimum, dans un balluchon. Avec quatre personnes dans une pièce on ne pouvait amasser beaucoup de choses. Les gens ont perdu 80 % de leurs biens.
Pour organiser la vie, dans l'immeuble, il fallait faire des règles du jeu. Il y avait une carte à côté de la sonnette : pour Mme L., sonnez une fois. M. K., sonnez 2 fois, le docteur, sonnez 3 fois. Puis une rafle a eu lieu et tous ont disparu. Restait la carte. Des camions sont venus chercher les gens.
Le 15 novembre 1940 on a fermé le ghetto hermétiquement. Les gens se sont retrouvés au chômage. Ils se sont retrouvés coupés de leurs sources de revenus. 
Tous les juifs qui habitaient autour du ghetto se sont retrouvés dans la misère. Les artisans n'avaient pas leurs outils de travail, n'avaient rien.
Des comités de maison se mettent en place. C'était par exemple obliger les locataires à  veiller à ce qu'aucun objet obstrue la porte vers l'abri.
Dès la premier jour, le comité de maison a fait une réunion des locataires  : 80 personnes. On a tant d'enfants à nourrir. Il faut les nourrir tout de suite. Les gens se sont proposés.
Deux fois par semaine,  venait manger chez sa grand mère, un petit garçon au crâne rasé. Elle lui donnait quelque chose pour le petit frère. Un jour, il n'est plus venu.
Ensuite ses parents ont loué une boutique pour faire une pâtisserie.
Un pain 5 zlotys. Un gâteau 50 groschens. On pouvait  se nourrir avec deux gâteaux.
2000 gâteaux par jour venaient par contrebande.  
En outre des clients, ses parents vendaient au local où jouait le pianiste Spielman. Une table était réservée à elle et à sa mère.
Avant guerre, il y avait beaucoup d'écrivains, de poètes, de  paroliers, des acteurs, des chanteurs,  juifs. Lorsque les Allemands sont arrivés, une vie culturelle s'est mise en place dans le ghetto. Il y avait des cafés, des concerts, des programmations variées,  où on parlait des misères du ghetto de façon drôle.
Une fille, Miriam Eisenstadt  avait une voix superbe, le rossignol du ghetto.
Le 22 juillet dès le premier jour de la déportation, les maisons sont entourées par des camions des Allemands et les gens emmenés à l'Umschlagplatz. Un milicien juif a vu Miriam, il a voulu la sauver, mais elle a pris par la main sa mère. Un milicien lui a dit de remonter dans le train et l'a tuée devant ses parents avec la crosse de son fusil. Un témoin oculaire a raconté à sa famille devant elle ce qui c'était passé.
Ce qui était très difficile c'était l'indifférence des Polonais. Il y a 6000 justes sur 36 millions de Polonais.
Le 18 janvier, deuxième vague de déportation. Ses parents ont décidé de s'installer dans le quartier aryen. Son père avait repéré une sortie d'égout.
Elle a voulu rentrer dans le ghetto pour la Pâque, pour voir sa grand mère.
Sa mère, restée du côté aryen, a voulu prendre du poison quand elle a compris que le 19 avril, il se passait quelque chose. Mais elle a attendu, puis elle a attendu à la sortie des égouts.  L'après midi des gens ont commencé à sortir, sales, à demi- asphyxiés, mais vivants. Il y avait un attroupement et des Polonais sont allés chercher des Allemands. « Jude ». Sa mère a vu des gens alignés contre un mur.
« Ne pleurez pas, lui a dit un Polonais, ma bonne dame, ne pleurez pas » Ce qui était atroce, c'est qu'on ne sentait aucune amitié. Les gens étaient indifférents.
Parmi les 6 millions de juifs, un million d'enfants. Combien de musiciens, de chercheurs ont disparu  ?  En 1940 deux petites filles ont été sortie du ghetto, pour une institution des enfants abandonnés dirigée par les bonnes soeurs, une de 15 ans, et une de onze mois. Les bonnes soeurs ont fait des faux papiers.
50 ans après, à un congrès à New York, où il y avait des médecins, des biologistes, ces deux petites filles  se sont retrouvées. L'une envoyée par l'université de Louvain en Belgique, l'autre envoyée comme biologiste par l'Argentine.

Comment vous en êtes sortie ?
Le jour où elle est sortie  avec sa grand mère, dans un abri où elles écoutaient la radio, il y avait le Kaddish à radio Londres pour les morts du ghetto de Varsovie.
Le quatrième jour, tous les juifs ont été sortis des abris par des Lettons, des Ukrainiens et amenés à l'Umschlagplatz. Sa grand mère est restée dans l'abri. 
Elle sentait la mort sur l' Umschlagplatz  venant des wagons. Elle a pris la main de son père et les balles tombaient. Quelqu'un a été tué à côté d'eux. Elle a compris qu'un Allemand a dit de sortir le cadavre. Elle a pris le cadavre et avec son père,  l' a sorti du cordon où ils étaient parqués.
A côté, il y avait une autre place avec 50 personnes libérées par un Allemand qui en avait besoin. Ils se sont mis avec eux. Ils ont été conduits au petit ghetto. 
Pour sortir du ghetto, il y avait un Allemand, un bleu marine polonais et un milicien juif à soudoyer. Son père leur a donné un billet. Elle est partie à 7 h du soir. La pièce où était sa mère, était à l'autre bout de Varsovie et le couvre feu à 8 heures. Elle faisait semblant de regarder les vitrines. Elle est arrivée à 8 heures moins cinq.
Son père a quitté le ghetto dans la voiture d'un chef d'entreprise allemand qui venait inspecter les ateliers. Le chauffeur avait ouvert le coffre...
Ils ont passé trois jours ensemble. Le 26 mai 1943, la mère blonde aux yeux bleus, est sortie pour acheter à manger, mais on l'attendait. Elle pense que sa mère a pris son poison.

Madame Goldberg avait 14 ans.
Elle ne s'intéressait pas aux mêmes choses que madame Den. Elle avait l'air Polonaise. Les écoles étaient fermées, (même pour les Polonais). Il  y avait des cours privés. Elle voit un  jour des enfants juifs qui  se faisaient battre. Elle s'est arrêtée pour rouspéter et elle s'est aperçue qu'elle aussi était juive. Elle a sorti son brassard et elle est allée au cinéma. 
Des gens du Shtetel avec leur baluchon n'avaient rien. Ils étaient placés par les gens du  Judenrat.
La révolte.
Ils faisaient des pièces cachées dans les appartements, des bunkers. Tout le monde avait des cachettes, sauf au petit ghetto qui n'était pas soumis aux mêmes règles. Des civils venus d'Allemagne ont ouvert des usines.
Elle ne croyait à rien. Elle s'est inscrite à l'usine Többen. Ils travaillaient pour l'armée. Elle avait un quart de pain,  de la soupe. Quand elle a entendu parler des camps, elle a voulu travailler chez les Allemands. Elle a sauvé ainsi ses parents 8 mois de plus.  
A partir de septembre, tout le monde a construit des pièces cachées.
Le 18 avril au soir, son oncle qui avait une usine de papeterie, a eu un coup de téléphone d'un Allemand. Tout le monde est descendu à la cave.
Beaucoup de juifs qui étaient du côté aryen et qui avaient des papiers,  sont rentrés  clandestinement au ghetto pour célébrer la Pâque. Ce qui fait qu'au lieu d'avoir 35 personnes dans le bunker, il y en avait 60. Ces bunkers étaient organisés pour vivre pendant six mois. On ne pouvait prévoir les flammes. Le soir ils sortaient vers 10 h, mangeaient à 3 H et dès 4 h du matin les Allemands revenaient.
Puis la fumée est entrée dans les bunkers. C'était un enfer. Sa mère lui a jeté un chiffon mouillé sur la tête. Il y avait des duvets dans les rues.
Ses parents étaient désespérés, malades, le petit frère  de 5 ans n'allait pas bien, elle avait tout sur la tête.
Il y avait des actions quand un train arrivait à Varsovie, il y avait des déportations. Le groupe de nuit était de jour dans les maisons. Or la sélection, c'était pendant le jour. Elle connaissait le directeur, un Volksdeutsche car elle travaillait dans les bureaux. Le rouge, le jaune, le blanc, les cartons de travail changeaient toujours de couleur. 
Quand il y a eu la sélection des Ukrainiens, le directeur lui a donné un coup de pied dans le derrière. A droite c'était Treblinka, à gauche, la vie.
La vie, c'était un présentiment. Une semaine après l'insurrection, il fallait absolument trouver une cachette. Elle savait que les gens étaient tués sur place. L'oncle et la cousine étaient sous les pierres de la maison tombée la veille, un bunker de 150 personnes. La mère voulait y aller mais ils étaient 300 à cause de la Pâque. Elle n'a pas voulu y rentrer.   
Elle a trouvé une maison brûlée la veille. Elle a vu des gens en train de faire une murette. Elle a cherché sa mère. Le soir ils ouvraient des briques pour respirer. Il n'y avait plus rien à manger. Tout était chaud dans cette cave pleine de charbon.
Le 28 avril, les Allemands criaient : «  La guerre est finie » Ils sont sortis. Son père s'est sauvé. Les cours des immeubles étaient énormes. Elle a glissé sur ses fesses dans la cave et elle s'est endormie.
Une voix l'a réveillée, la mère. Elle a retrouvé son père. Le lendemain, ils se sont cachés. Mais où aller ?
Les Allemands sont arrivés et ils ont été conduit  à  l'Umschlagplatz. Elle s'est retrouvée à l'hôpital. Les trains n'étaient pas encore partis. Il y avait eu trois exécutions. Des corps sont tombés. Többens, l'Allemand est arrivé et l'a sortie. Puis elle a été poussée dans le wagon. Elle était à côté de la porte avec son père. 
Quand ils sont arrivés à Lublin, ils étaient à demi morts,  asphyxiés, malades. Dans un wagon entre deux baraques, il y avait un tas de cadavres avec du sang dégoulinant. Des gens mourant de soif se sont jeté dessus pour lécher. Dans ce camp, il y avait la sélection. Elle a retrouvé sa mère à demie morte et le petit tout bleu. Puis ils ont été à Maïdanek.
Sa mère ne croyait toujours pas à la mort. « On ne prend pas les gens en bonne santé et qui n'ont rien fait ».
Les cadavres étaient mis sur des troncs d'arbres et ils les brûlaient.

Henry Bulawko a entendu parler pour la première fois du ghetto de Varsovie par quelqu'un qui voulait  faire un monument. 
Quand il est allé à Varsovie, « 500 000 cadavres se trouvent sous ce sol », a dit un chauffeur de taxi. Il est allé au cimetière. Des SS savaient que des égouts sortaient par le cimetière.
Il est difficile d'imaginer que des hommes puissent tuer froidement.
Une amie est allée à Berlin pour faire un procès contre les SS. Comment êtes -vous sortie du ghetto  lui a t-on demandé.  On a acheté le gardien à la porte. Mais ce n'était pas légal, C'était deux ou trois ans après la fin de la guerre.

Roosevelt à qui l'on demandait d'intervenir : : « Ne dites pas à nos  soldats qu'ils vont se faire tuer pour des juifs. » lui dit un conseiller.
Peut être que la guerre expliquait tout.

Nizza Thobi chante une chanson du Rossignol du ghetto : "Mon Dieu! Pourquoi m'as-tu abandonné?"
http://www.nizza-thobi.com/bestellung.html
 


 
Le pianiste, film de Polanski, 2002

Présentation du travail possible avec des élèves lors de la journée consacrée à l’histoire du Ghetto de Varsovie, le 23 avril 2003

Précautions à prendre, ou plus encore impératifs à respecter lors de la présentation de ce film,  le Pianiste

- Il est indispensable de partir du fait que c’est une création artistique d’aujourd’hui, qui incite à une réflexion sur l’œuvre d’art, son existence et son effet.
Ce film
-a été consacrée par différents jurys
-a été conçu par un très grand cinéaste
-la musique y détient une place essentielle
 
- Il est nécessaire d’être conscient de notre responsabilité d’adulte enseignant
  . pour que ce film ne soit pas perçu comme une illustration
  . mais soit intégré profondément par nos élèves.

Il est primordial de donner des repères (cadre chrono, contexte historique) et de rendre l’adolescent actif (en lui proposant de regarder particulièrement tel ou tel élément du film).

Enfin, il est conseillé de se formuler clairement les raisons pour lesquelles nous emmenons nos élèves voir ce film : essentiellement pour
-réfléchir à l’art, à l’histoire, à la condition humaine
-débattre sur le film, sur le livre, et sur la façon de faire ressentir les conditions de vie inhumaines
-rencontrer des témoins pour établir un lien entre le récit, la reconstitution proche de la fiction, et le vécu ou la réalité.

Il n’y a pas de méthode particulière (pas de recettes), mais il y a avant tout une attitude éthique

-1. permettre la distanciation pour se rendre libre de toute fascination pour la violence ou de toute pitié
-2. aider à comprendre le film dans son intrigue et sa structure
-3. faire saisir ce que signifie « devoir d’histoire » et surtout « devoir de création », ce qui est nécessaire pour ceux qui n’ont pas vécu l’événement. 

1.Permettre la distanciation
·situer dans l’histoire
·évoquer l’origine du film (de Polanski, après la lecture du livre, tourné par une équipe polonaise en 2001, etc.)
·lien avec le livre (livret très proche de texte)
·le choix de Polanski (son histoire, par un détour et par la rencontre avec le récit d’un autre artiste)
·fournir les outils d’analyse des images mobiles (plans, mouvements de la caméra, rythme, montage) – voir Le vocabulaire du cinéma, Nathan université 128, 2002, par Marie-Thérèse Journot.

2.Aider à comprendre le film
·les différents moments de l’intrigue
·les personnages et leurs relations
·les situations tragiques, drôles, banales

3.Développer le devoir de création
·comment  a procédé Polanski pour obtenir cet effet de vérité : choisir une scène comme celle de l’Umschlagplatz et analyser la façon dont il a procédé ·les traits constants de ses films (solitude, monstrueux, enfermement)
                                         ·les références de Polanski et son hommage à Korczak et à Wajda, entre autres

·s’interroger sur la place de la musique, sur le rôle et l’effet de la musique de Chopin : quand le pianiste joue sait que personne ne l’écoute, mais il est « un homme en qui la musique est vivante », en particulier celle de Chopin, ce compositeur qui « n’asservit personne par son discours » et qui touche d’une manière directe (comme l’écrit André Boucourechliev dans Regard sur Chopin, Fayard, 1996) ; il connote une « musique polonaise » d’un exilé, qui a ressenti très douloureusement les malheurs d’un peuple opprimé et effacé de la carte politique et culturelle de l’Europe et du monde

·présenter Terezin : malgré le dénuement et la terreur, la musique, le théâtre, l’école clandestine ont maintenu la dignité humaine et donner une raison de vivre, de créer et de survivre au moins dans les mémoires 
(cf. Musique à Terezin, 1941-1945 de Joza Karas, Gallimard,
et Le masque de la barbarie, Le ghetto de Teresienstadt 1941-1945, ouvrage dirigé par Sabine Zeitoun, directeur du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon, 1998 – 14 avenue Berthelot, 69007, Tél : 04 78 72 23 11)

Comparer avec d’autres œuvres : 
Primo Levi, Si c’est un homme
Ruth Klüger, Refus de témoigner (« Aussageverweigerung » ), Viviane Hamy (en livre de poche 2003) 
Stanislas Tomkiewicz,  L’adolescence volée, livre de poche Pluriel 2002
Janusz Korczak, Journal du ghetto, 10/18, 1998

Elisabeth Brisson
 


 
LE GHETTO DE VARSOVIE
Chronologie

1939
1 er septembre : Les troupes allemandes pénètrent en Pologne. 
27 septembre : Capitulation de Varsovie.
4 octobre : Création du Conseil juif, Judenrat, 
dirigé par Adam Czerniakow, pour faire régner l'ordre.
 8 novembre : Hans Franck est nommé Gouverneur Général de Pologne.
23 novembre : Le port d'un brassard avec  une étoile de David  bleue,  devient obligatoire pour les Juifs dans tout le territoire du Gouvernement Général de Pologne. Les interdictions concernant les Juifs se multiplient.

1940
1er mai  : Offensive allemande à l'ouest.
Juin : Le Judenrat est sous  les ordres des Allemands.
Septembre : Les chrétiens qui habitent l'emplacement du futur ghetto doivent partir.
16 octobre :  création du « secteur d'isolement sanitaire » au centre de Varsovie.
15 novembre :  Fermeture du « quartier d'habitation juif » 
avec des murs de 3 m de haut et 1 m de barbelés.

1941
Le Judenrat recense 380 000 juifs dans le ghetto de Varsovie.
1er avril : 72 000 Juifs de Pologne  sont déportés dans le ghetto.
Mai :  450 000 Juifs s'entassent dans le grand et le petit ghetto dont la superficie a été restreinte.
22 juin : L'Allemagne attaque l'Union soviétique.
Septembre : Diminution des rations alimentaires; du courrier de l'étranger;.
Des cadavres jonchent les rues.
Octobre : Peine de mort pour toute sortie du ghetto sans laissez-passer.
16 décembre : Hans Franck déclare qu'il faut se débarrasser de 250 000 Juifs.
fin décembre : Les cantines gratuites du ghetto distribuent chaque jour 100 000 repas.

1942
14  avril : On apprend l'extermination du ghetto de Lublin.
17 - 18 avril : exécution  de personnes suspectes de participation à la presse clandestine.
22 juillet : Début de la « Grande Action » dans le ghetto de Varsovie
Première vague de déportation avec la participation de la police juive. 
Les Allemands annoncent le transfert vers l'est de population.
Le Judenrat publie un décret de déportation concernant 380 000 personnes. 6000 personnes  par jour  doivent se rassembler au lieu d'embarquement. Adam Czerniakow se suicide le 23. « Ils exigent de moi que je tue de mes mains les enfants de mon peuple. Il ne me reste qu'à mourir ».
Le témoignage de  Zygmunt  Frydrych (Zalman Friedrich ) sur  les procédés d'extermination pratiqués à Treblinka n'est pas cru.
5 août 1942 : déportation de Janusz Korczak et des enfants.
12 septembre  : 350 000 juifs ont été déportés à Treblinka. 
Il ne reste qu'environ  60 000 Juifs dans le ghetto.
23 septembre : Les SS et la SD prennent en main l'administration des affaires juives à Varsovie.
20 octobre : Un comité de coordination (KK) constitue l'Organisation juive de combat , O. J. C. , Zydowska Organizacja Bojowa ou ZOB avec  Mordekhaï Anielewicz, Marek Edelman.
2 décembre : rassemblement des résistants du ghetto, (OJC) et l'Union juive militaire, (ZZW).

1943
9 janvier : visite d'Himmler qui donne ordre d'exterminer les habitants du ghetto.
18 janvier : Deuxième vague de déportation. Face à une résistance armée, les SS allemands et autrichiens doivent interrompre la « deuxième action ».
19 avril  : Insurrection du ghetto. Des forces allemandes, polonaises, ukrainiennes, lettones et lituaniennes, encerclent le ghetto et deux détachements de soldats entrent dans le ghetto. 
La résistance armée s'organise.
Le 23 avril : le ghetto est bouclé.  Au bout de quelques jours de combat, le général SS Jürgen Stroop ordonne de mettre le feu au ghetto, enfume les égoûts, détruit les usines. 
Les Waffen SS, la Wehrmacht, et leurs auxiliaires  prennent maison après maison.
8 mai : Mordekhaï Anielewicz se suicide,  comme  la plupart des insurgés survivants.
10 mai : Marek Edelman et quelques autres s'enfuient par les égouts.
12 mai : Szmul Zygielbojm se suicide à Londres pour protester contre la conspiration du silence des gouvernements alliés.
16 mai : «  180 juifs, bandits et êtres inférieurs ont été anéantis. 
Le ci-devant quartier juif de Varsovie n'existe plus. » écrit  le SS Jürgen Stroop. 
Le ghetto est rasé

1944
1er août  insurrection générale de Varsovie-2 octobre  Ecrasement de l'insurrection.

1945
27 janvier: Libération d'Auschwitz par l'armée  rouge

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quelques sites web : 

Des photos du ghetto
http://www.g-ligue.com/dgmi/ghettovarsovie.htm

Sur le ghetto, la révolte....
http://www.yad-vashem.org.il/exhibitions/temporary_exhibitions/childsplay/lexicon/warsaw_ghetto_uprising.html

Les diverses organisations :
http://warsawghetto.epixtech.co.uk/HistV.htm

D Natanson, Le ghetto de Varsovie :
http://perso.wanadoo.fr/d-d.natanson/ghetto_varsovie.htm

 
mise en ligne D Letouzey 05/05/2003
http://aphgcaen.free.fr/cercle.htm