1- Projection du film de Requiem pour 500 000,
film polonais, de Jerzy Bossak et Waclaw Kazmierczak, documentaire
de 1963.
Lorsque les Allemands entrent en Pologne, ils constituent
le ghetto de Varsovie dans lequel il y plusieurs classes de population.
Des points de passage sont contrôlés par la police juive,
polonaise et allemande. Les juifs croient encore que la mort n'est
pas le sort de tous. Certains sont déportés, mais d'autres
espèrent trouver un travail dans une entreprise allemande. On voit
la police juive rassembler son contingent de 5 à 6000 personnes
par jour, qu'elle dirige vers l'Umschlaglatz, la place des transbordements.
Certains refusent la capitulation, organisent de la contrebande,
des journaux, des concerts. Les juifs de Varsovie se soulèvent
le 19 avril 1943 à l'appel de l'organisation juive de combat. «
En dépit de nos engins blindés des juifs ont réussi
à nous repousser » écrit Jürgen Stroop. Par le
feu, le ghettto a cessé d'exister.
Les images ont été tournées par
des soldats allemands, la musique est insupportable, ce film est daté
politiquement, mais ces documents sont émouvants.
2 Larisssa Cain
Larissa Cain fait allusion à Joe J. Heydeckert,
un soldat de la Wehrmacht qui a fait des photos sur les habitants du ghetto
en 1941, montrant leurs conditions de vie. ( quelques photos sont
exposées dans la salle.)
Larissa Cain avait 8 ans lorsque le ghetto est bouclé
le 16 novembre 1940. Une passerelle relie en 1941 le grand et petit ghetto.
Les habitants s'entassent à 8 personnes par pièce. Sa maison
était incluse dans le petit ghetto.
Les Allemands ont imposé un Judenrat de
24 membres dirigé par Czerniakow. La police devait maintenir l'ordre.
Dans le film il est dit que les juifs étaient dociles. Mais il y
avait une résistance civile. La première réponse du
ghetto, c'était survivre. Ils ont organisé des cantines avec
l'aide du Joint américain.
Un comité des immeubles se forma, servant
d'entraide sociale, avec une cantine, distribution d'habits pour
les enfants. L'aspect de solidarité a été très
important.
Les écoles étaient interdites en
Pologne. Il y avait au ghetto, toute une vie clandestine, des écoles,
des lycées, une faculté de médecine qui a fait un
travail sur l'action de le faim sur l'enfant.
Il y avait une vie politique très importante.
Avant la guerre la société juive était très
politisée. Il y avait un parti religieux orthodoxe sioniste,
il y avait le Bund qui recrutait parmi les ouvriers juifs. En effet
la majorité des juifs était extrêmement pauvre. Il
y avait les partionnistes. Il y avait le PC polonais, interdit par
Staline en 1938, resuscité en 1942. Il y avait des journaux.
Chaque parti politique avait ses mouvements de
jeunesse. Ces jeunes deviendront les combattants du ghetto.
Ces jeunes s'échappent du ghetto, parcourent la
Pologne, vont dans la partie annexée par l'URSS, circulent pour
transporter des informations, des tracts, de l'argent, des armes et combattre
dans d'autres ghettos.
Par exemple, lorsque Hitler attaque l'URSS le 22 juin
1941, la Wehrmacht est suivie par les Einsatz gruppen. Immédiatement
1 million de juifs sont massacrés. En octobre, la nouvelle de ces
massacres parvient au ghetto. Une émissaire part à Wilno,
Frumka. D'abord, il faut qu'elle sorte du ghetto, avec une pelle, comme
quand on va au travail, ce qui était très dur. Il faut qu'elle
s'écarte du groupe, enlève son brassard ( obligatoire à
partir de 12 ans à Varsovie), dans la partie polonaise.
Il n'est pas question de prendre le train, c'était
l'endroit le plus facile pour se faire attraper. Elle fait des kilomètres
à pied (400). Quand elle arrive, fin janvier 1942, Wilno a perdu
20 000 juifs fusillés dans les forêts de Ponary. Elle se rend
en Polésie, en Volhynie, ( Bielorussie, Ukraine), il
n'y a plus rien, plus de communautés juives.
Elle écrit dans une lettre parvenue à Genève
: « Je me sentais comme le fossoyeur du peuple juif. »
Le ghetto pense que les Allemands ont commis ces massacres
parce que c'étaient des territoires occupés par les communistes.
On ne prend pas la mesure que c'est le début de la solution finale.
On pense que « le monde libre ne laissera
pas faire à Varsovie ce qu'ils ont fait à Wilno».
La première résistance armée.
Joseph Lewartowski a été envoyé
par les Russes pour reconstituer le PC et créer un deuxième
front contre les allemands. Il est l'initiateur de la première organisation,
le Front antifasciste, avec des communistes et des partis sionistes de
gauche, en mars 1942. Cette organisation est déjà démantelée
par les Allemands en mai. Ils avaient déjà formé
des groupes de combat. Ils espéraient recevoir des armes. Les groupes
sont dissous, ceux qui ont été arrêtés sont
fusillés, l'organisation est anéantie.
Pendant ce temps, Treblinka est prêt. Après
avoir gazé à Chelmo dans des camions, des chambres à
gaz de 250 personnes ont été construites à Treblinka.
Le 22 juillet 1942, c'est la grande déportation.
Sur des affiches, les Allemands promettent 3 kg de pain
et 1 kg de confiture pour les volontaires qui se rendront sur l'Umschlagplatz.
On disait que les familles ne seraient pas séparées. Les
Lettons, les Lituaniens, les Allemands, et les Ukrainiens qui ont
reçu une formation spéciale à Trawnicki, encerclaient
et criaient autour des immeubles « Raus », « Alle Juden
unten »,
Pour le moindre écart, on tuait ces « juifs
dociles », mais ces gens étaient des civils, il fallait que
cela se passe vite. « Schnell ». que faire contre une force
aussi importante ? Il y a des gens qui se sont jetés contre les
Allemands. Samuel Breslau avec un couteau à cran d'arrêt,
est abattu.
Le 28 juillet se crée le premier noyau de l'Organisation
juive de combat, avec trois organisations de jeunesse sioniste, Hashomer
Hatsaïr, Dror, Akiba. Ils décident d'acquérir
des armes. Ils ont des revolvers.
Le ghetto veut savoir. Zalman Friedrich, un membre du
Bund, va vouloir savoir ce qui se passe avec les trains qui partent à
Treblinka. Grâce à des cheminots polonais, il part à
Sokolow, près de Treblinka. Il rencontre un membre du Bund qui vient
de s'échapper de ce camp qui est dans une région boisée,
à l'écart des villes. David Nowodworski lui explique que
les trains s'arrêtaient à la première barrière
et là les déportés devaient laisser près du
train leurs bagages. Puis des jeunes, forts, devaient transporter ces biens
dans des hangars avant qu'ils soient expédiés en l'Allemagne.
Cet évadé, raconte comment cela se passe ensuite :
quelques jeunes sont sélectionnés pour les travaux, et on
gaze les femmes et les enfants le jour, les hommes, la nuit.
Le Bund publie dans son bulletin une mise en garde contre
les transferts à l'est. « Ne vous laissez pas emmener. Ne
les laissez pas vous anéantir. »
Qui savait quoi, quand et comment ?
Comment envisager qu'on pouvait organiser des usines
de mort ? On ne pouvait penser à une extermination totale.
Le 13 septembre la déportation prend fin. Le 21,
les Allemands déportent les policiers juifs.
Après « l' Aktion », le ghetto devient
un camp de travail. Plus de 300 000 juifs ont été gazés
à Treblinka. Il reste 50 000 juifs à Varsovie dont 35 000
travaillent dans les trois secteurs du ghetto. Certains se cachent, «
les chats sauvages. »
Le ghetto est partagé en trois zones : le ghetto
central, le secteur des shops avec les entreprises allemandes Schutlz et
Többens, et le secteur de la fabrication des brosses. Il est interdit
de se déplacer entre les trois sauf pour le travail.
C'est à ce moment là que se crée
un comité de coordination de l'OJC, le 20 octobre.
L'OJC délègue des membres des différents
ghettos. Il faut des armes.
Ils envoient Arié Wilner, un grand blond aux yeux
bleus, à la résistance polonaise. Il y a l'armée nationale
qui dépend de Londres et l'armée de l'intérieur. Les
Polonais sont très patriotes, mais malheureusement très antisémites.
Dans le film, on parle du parti ouvrier, c'est le PCP, le parti communiste
polonais, ils sont peu nombreux, mais ceux eux qui ont le plus aidé
à acquérir des armes. Arié Wilner essaie d'entrer
en contact avec le résistance polonaise, mais très peu d'armes
leur sont parvenues, certaines étaient défectueuses.
Il a été pris et torturé par la Gestapo. Il a fallu
que des émissaires s'adressent à des revendeurs au marché
noir.
Un jeune bundiste, Michal Klepfiz, est envoyé
du côté polonais pour entrer en contact avec un ingénieur
de l'armée polonaise, qui lui apprend à fabriquer des grenades
et des bouteilles explosives.
Il fait entrer au ghetto du pétrole et des
produits chimiques pour fabriquer des explosifs : en février 1943,
Michal à cheval sur le mur du ghetto, faisait passer des bidons
pour fabriquer des armes dans le ghetto.
Se mêlant à des travailleurs forcés,
Frumka a mis ses armes au fond de son panier recouvert de pommes de terre.
L'Allemand de garde n' a rien vu. Frumka peut rentrer dans le ghetto. Le
3 septembre, Regine Justman se fait prendre et elle est arrêtée
avec ses armes.
La résistance du ghetto.
Le premier soulèvement du ghetto de Varsovie,
le 18 janvier 1943, est une réponse spontanée de l'OJC à
la deuxième « Aktion ». Les Allemands veulent mettre
fin au ghetto. Mais s'ils déportent environ 6000 personnes et en
tuent mille, des Allemands sont tués, alors ils s'arrêtent
4 jours plus tard. Le ghetto sait qu'il y aura une dernière déportation.
Les combattants s'organisent. Ils fabriquent des armes.
Le 19 avril 1943, les Allemands entrent en tenue de combat,
dans le ghetto central. Ils sont attaqués par les combattants juifs.
Au bout de quarante minutes ils se retirent de ce secteur et à 14h
il n'y a plus d'Allemands.- Il y a soixante ans, le 23 avril, c'était
le quatrième jour de l'insurrection. -
La lutte a changé de nature. Les Allemands attaquent
secteur par secteur : le 20 avril c'est le secteur des brosses, le 21 le
secteur des shops, le 22 les industriels allemands ne peuvent plus protéger
leur secteur et leurs machines. Le 23 les Allemands renoncent à
combattre. Ils vont liquider le ghetto par le feu et le gaz. Ils utilisent
des lance-flammes. Dans le film, on voit une femme qui se jette d'un immeuble
en flammes.)
Les juifs se replient dans des cachettes souterraines,
les bunkers. Ils sortent la nuit pour attaquer les patrouilles.
Le monde libre est resté passif, alors que les
juifs ont combattu 27 jours.
[Un millier de combattants, pratiquement sans armes, réussit
à immobiliser pendant 27 jours la « meilleure armée
du monde ». Anielewicz voulait sauver « l'honneur juif »
écrit Raul Hilberg]
Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne 1943, éd.
Autrement, 2003
Joël Kotek, L'insurrection du ghetto de Varsovie,
textes réunis autour de Raul Hilberg, éd Complexe,
1994
Joe J. Heydecker, Das Warschauer getto, dtv, 1983, préface
de Heinrich Böll
Nicole Mullier |