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H&G - Chronique Internet Enseigner l'Histoire, la Géographie, l'ECJS |
Gérard Dorel, IGEN, IUFM de Caen, 10/11/2004
Au programme de terminale ES et L : Les trois grandes aires de puissance :
Comment comprendre le monde autour du thème
de la puissance?
Comment expliquer aux élèves qu’on ne traite
que cela ?
Pour cela les élèves doivent acquérir
des concepts de base, notamment celui de façade maritime.
Une façade océanique, c’est un système
géographique qui inclut de part et d’autre du littoral les espaces
limitrophes:
Cette façade atlantique doit être comprise
dans une perspective géographique à l’échelle planétaire.
Pour plonger dans cette question, comment faire? (en trois heures) Trois entrées:
Première clé d’entrée: la "géohistoire". Le partage colonial du continent conduit à l’intégration
sous la houlette des USA.
Les Espagnols, qui ont conquis l'Amérique
centrale, arrivent par le sud. Il leur faut contrôler la route de
retour des galions (problèmes des corsaires anglais, français).
===> il faut contrôler la Floride pour s’assurer le passage nord
caraïbe. L’Espagne fonde San Augustin, Tampa, Mobile. Elle prend ainsi
le contrôle du sud de la façade atlantique non pas pour l’exploiter
mais pour empêcher les autres d'y être, et pour s’assurer le
passage.
Les Français arrivent par le Saint Laurent (Jacques Cartier) et se dirigent vers les grands lacs, le Mississippi et l'Amérique espagnole. Cela entraîne des rivalités France, Espagne pour la Nouvelle Orléans, une ville plus espagnole que française. Les Français pénètrent à l’intérieur, recherchent des fourrures. Les Britanniques s’installent dans ce qui reste, c’est à dire le Nord-Est. Les conditions climatiques y sont dures, les sols de médiocre qualité. Ils exploitent les fourrures, cherchent la voie du nord (Baie d’ Hudson) mais ne trouvent pas. ===> compétition avec les Français pour les fourrures, on transpose en Amérique la vieille querelle franco-britannique. Les Néerlandais fondent New York mais se font éliminer rapidement. A la fin des XVI°s, XVII°s, tout est en place.
L’indépendance est une nécessité car de Boston à Washington s’est créée une région qui se développe sur elle même (économie autonome). Cette économie repose sur l’exploitation de l’océan: la morue, la baleine, base de la richesse d’un certain nombre de ports: Boston par ex. Ces richesses vont financer le grand commerce maritime (accumulation du capital primaire) et le commerce avec les Caraïbes (oppositions, rivalités avec l’Espagne). C’est à l’origine des grandes fortunes d’armateurs et ces armateurs vont fournir les bases de l’industrialisation. Au XIX°s , développement de l’industrie, des constructions navales, des constructions mécaniques, du textile. Ainsi, en deux siècles, se crée un noyau de villes puissantes qui constituent la base arrière de la conquête de l’ouest. Dans cet ensemble, pourquoi New York l’emporte-t-elle?
Pendant ce temps, au nord, les Français sont éliminés
du Canada en 1763. Les Anglais réussissent à maintenir la
communauté française en s’appuyant sur les curés mais
ceci au prix d’un repli identitaire, sur une catholicité archaïque:
===> Montréal, Québec se figent, elles se contentent d’envoyer
du blé au Royaume Uni et c’est une colonie de traite qui se met
en place, il n’y a pas d’industrialisation.
Le cœur occupé par les colons anglais développe
une économie autonome qui aboutit à la maîtrise du
territoire, alors qu'au nord comme au sud, une économie extravertie
de traite a été mise en place.
Seul le centre de la façade atlantique se développe
de façon autonome avec des ports au rôle complexe. Au nord
et au sud, peu de ports et ils ne sont pas complets.
Une question pour finir : pourquoi les USA n’ont pas
avalé le Canada?
Trois pays distincts par leur géographie, leurs populations, leurs cultures, leurs lois. C’est par l’économie que va se faire l’intégration sous l’impulsion des USA. Par absorption du Texas, par accords bilatéraux
avec le Canada, le Mexique. ex : de l’industrie automobile des Grands Lacs,
du Brasero program de 1944 avec le Mexique, etc. Faire entrer la main d’œuvre
puis installer des maquiladoras. tout cela pour aboutir en 1992 à
l’ALENA. Cependant il n’y a pas libre circulation des hommes entre le Mexique
et les Etats Unis.
Deuxième clé d’entrée: l’intégration continentale. Par les flux humains, financiers, le métissage culturel, les dynamiques régionales. Les flux humains.
Migrants en provenance d’Amérique latine, il y a les pauvres, parfois clandestins mais pas seulement. Il y a aussi les réfugiés politiques: les Cubains à Miami mais aussi les Haïtiens, les proscrits politiques de droite et de gauche, les ex généraux d’Amérique latine. Les bourgeoisies latino-américaines: toutes ces familles ont des résidences secondaires à Miami, à New York etc. (ces lieux visibles, liens invisibles, qui seront le thème de Saint-Dié 2005, mettent en jeu l'intuition chez le géographe). A cela il faut ajouter les touristes ( la Floride est
le premier centre touristique du monde.
Les flux de marchandises reflètent les dynamiques régionales.
Le Mexique est devenu la cinquième puissance pétrolière mondiale grâce aux nouveaux gisements (en mer, en baie de Campeche, 190Mt pétrole ; le gisement de Tampico s'épuise). L’essentiel de ce pétrole mexicain est exporté vers les USA, vers le reste de la façade Est et il garantit la dette mexicaine vis à vis des USA. Il y a donc bien domination et intégration des économies. On pourrait faire de même avec les ressources agricoles
tropicales.
Ou encore, rôle de cette façade dans l’exportation
des céréales du continent par la Nouvelle Orléans
et par Houston.
Le Nord-Est est devenu une région d’industries de pointe qui rivalise avec la Californie: ex: la route 128 à Boston, le noyau innovateur autour de Washington, dans un rayon de 20 km, etc. Dans ces grandes villes du NE, il y a un terreau (hommes, idées, argent…) qui permet l'alchimie qui est à la source de la réussite économique et du développement. Ce n'est surtout pas une mono industrie. Toutes les villes du NE se transforment, rebondissent (comme le font Lille, Liverpool, la Ruhr en Europe). Il ne faut pas en rester à l'image des difficultés économiques, de l'effondrement des années 1970. Ces villes, par exemple Baltimore, redécouvrent
leur front d’eau.
Au Nord donc une dynamique géographique exceptionnelle.
Il manque les concentrations initiales du NE. Ce sont des économies dynamiques mais les métropoles les plus fortes sont dans l’arrière pays: Atlanta Dallas. Exceptions: Houston (le pétrole), Miami (la fonction interface USA/ Amérique latine. Parallélisme possible avec la Californie où l’interface est plus complexe car il faut y ajouter l’Asie.) Reste que le Sud n’a pas le même système que le Nord de la façade. Les flux de capitaux. New York et Miami sont les places financières majeures.
Pour le Nord-Est il convient d'évoquer les puissants
foyers que sont la Megalopolis et la Main street America. La Seaway permet
aux navires de remonter jusqu'à Chicago depuis 1959.
Le métissage culturel.
Métissage dû à la marée latino-américaine
assez puissante pour préserver l’espagnol. En conséquence,
le bilinguisme est devenu un fait largement étatsunien. L’espagnol
est présent partout et ceci renforce le catholicisme dans les villes.
Troisième clé d’entrée: la mondialisation. Place exceptionnelle des villes-mondes sur cette façade
atlantique.
Concentration des grandes entreprises, des sièges sociaux, ports, aéroports mondiaux: New York, Boston, Toronto (liaisons fortes avec l’Asie). Les produits asiatiques sont acheminés en Amérique sur la côte pacifique, déchargés les conteneurs sont mis sur des trains qui traversent le continent en trois jours puis ils sont acheminés par les ports de l'Atlantique vers l’Europe. Brain drain enfin. A Harvard, pendant l’été la majorité est asiatique, les post doc sont nombreux dans le NE des USA. Les pôles d’innovation sont à l’échelle mondiale dans tous les domaines. Par exemple, New York est leader dans la mode, l’édition, les arts, l’information etc et les artistes vivent mieux dans le NE des USA! Conclusion: Une véritable hiérarchie s’établit:
Que pourrait être la légende du croquis?
1) Les centres:
2)Les espaces littoraux spécialisés: tourisme.
3)Les périphéries intégrées:
4)Les périphéries en voie d’intégration:
5) Les périphéries délaissées:
Autre version, sur le site des historiens-géographes de l'académie de Versailles compte rendu par Anne-Marie Ternon, 16/11/2004
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