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UN SIECLE DE FÉMINISMES EN FRANCE : RECHERCHES ET BILAN Conférence de Sylvie CHAPERON
(10 novembre 2004, IUFM de Caen)
Histoire sommaire du terme féminisme : Apparition fin XIXe siècle dans le contexte du développement de la psychiatrie aliéniste qui accorde la primauté à la théorie de la dégénérescence. Féminisme désigne donc d’abord une maladie qui touche les hommes " efféminés ", allant éventuellement jusqu’à la perversion (homosexualité). Terme détourné par une militante " féministe " au début des années 1880 (Hubertine Auclert, fondatrice de La Citoyenne laquelle elle combat pour l’égalité des sexes dans tous les domaines). Généralisation assez rapide du terme en Europe dans les deux dernières décennies du XIXe siècle, puis aux Etats-Unis dans les années 1910. Le féminisme, à toutes ses époques, reste un mouvement très divers. L’exposé se limite à l’exemple français. 1 - Les débuts de l’histoire des femmes
Au début des années 1970, conjonction de 3 facteurs pour expliquer une rupture avec la pratique " ancienne " de l’histoire : Naissance du MLF (1970, soit 2 ou 3 ans après le
Women’s Lib aux Etats-Unis) crée une demande d’histoire des femmes
MLF = mouvement animé par des universitaires qui souhaitent interroger le savoir qu’elles ont reçu et qui ont l’impression de démarrer de zéro une histoire des femmes. Féminisation (parallèlement au mouvement
de démocratisation) des universités :
Féminisation très modeste du personnel d’enseignement supérieur 1965 : 3 professeurs d’histoire et 11% des maîtres de conf/maîtres-assistants A l’origine des premiers groupes d’études féministes dans la première moitié des années 1970 (Ces groupes reflètent les 3 facteurs : militantisme au MLF, féminisation des corps estudiantin et enseignant dans le supérieur). Ces nouvelles données des années 1970 permettent
une rupture avec l’exclusion puis la ségrégation des femmes
dans l’enseignement.
En histoire : 2 agrégations séparées jusqu’aux
années 1970.
L’école des Annales dans les années 1929-1944
(de la fondation de la revue à la mort de Marc Bloch) reflète
cette division des tâches. 2 femmes seulement publient dans la revue.
Les femmes (secrétaires et/ou épouses) préparent le
travail : c’est le cas de Suzanne Febvre (Sévrienne et Agrégée)
et de Simone Bloch.
1.2 - Premiers groupes, premiers travaux Organisation des groupes : absence de hiérarchie, recherche d’interdisciplinarité dans les sciences humaines, échanges entre chercheuses et militantes. De ce fait, groupes souvent mal perçus par l’institution. 1 des premiers groupes : celui fondé par Michelle
Perrot à Jussieu en 1974. M. Perrot, historienne, a réalisé
sa thèse sous la direction d’Ernest Labrousse qui avait refusé
sa proposition de sujet initial sur l’histoire du féminisme et l’avait
orienté sur les cultures de la grève. Titre significatif
du premier séminaire : " Une histoire des femmes est-elle possible
? " (sources, méthodes ?)
Deux objets d’étude privilégiés par ces premiers groupes : Les femmes dans le monde ouvrier (contexte d’une histoire sociale influencée par le marxisme et nécessité de répondre aux critiques de l’extrême-gauche sur le caractère " petit-bourgeois " des revendications du MLF) L’histoire du féminisme. Facteurs : identification avec les féministes du passé et recherche des racines du MLF ; montrer que les femmes n’ont pas été passives ; surmonter le problème des sources peu abondantes pour les femmes (comme pour tout groupe dominé) en faisant appel aux documents produits par les associations féministes (revues, bulletins, listes d’adhérentes…) (autres sources : journaux intimes, développement de l’histoire orale). L’Histoire des Femmes publiée chez Plon sous la direction de Georges Duby (à qui elle avait été initialement, et significativement, commandée) et Michelle Perrot (à laquelle Duby a fait appel) résume cette première période de l’historiographie. Michelle Perrot elle-même conclue que ce premier
mouvement historiographique a donné naissance à une histoire
" en noir et blanc " où les femmes se classent entre victimes surexploitées
et rebelles aux révoltes éclatantes. Mais très vite,
de nouvelles recherches moins manichéennes voient le jour.
2 - Les recherches en histoire du féminisme
Dans un premier temps, les personnalités et les tendances les plus radicales du féminisme attirent l’attention des historiennes. Deux exemples représentatifs des combats des féministes
radicales de la fin XIXe-début XXe :
Un exemple représentatif : Marguerite Durand et son quotidien féministe réformiste La Fronde (1897-1905), qui est bien introduite dans les milieux politiques de la IIIe République et a le soutien de la banque Rothschild. comme le journal est entièrement rédigé et composé (typographes) par des femmes, il est amené de fait à avancer certains combats : droit des femmes à assister aux séances à la Bourse, à assister à toutes les séances parlementaires, à travailler comme ouvriers typographes (combat contre interdiction du travail des femmes de nuit depuis 1892, contre des syndicats exclusifs cherchant à écarter les femmes d’un métier très qualifié). Les " modérées " mènent donc aussi
des combats importants. Frontière beaucoup plus floue qu’initialement
pressentie.
Des associations ignorées jusqu’à récemment
:
2.2 - Questions de périodisation Dans les débuts de l’histoire du féminisme, l’intérêt s’est porté sur les périodes de flamboyance de la révolte des femmes : Révolution Française, 1848, Commune, Age d’or de la fin XIXe-début XXe Plus récemment, la recherche historique s’oriente
vers les autres périodes, dont la période 1945-1970 qu’on
peut appeler le " creux de la vague " (expression de S. Chaperon) ou "
l’Entre-deux-Féminismes ".
Deux personnalités représentatives de cette période d’étiage du féminisme : Margaret Sanger (1879-1966). Active aux Etats-Unis (New York) et au RU (période d’exil pour diffusion d’information et de moyens de contraception). Néo-malthusienne, fille d’une mère de 11 enfants morte d’épuisement. Infirmière dans les milieux ouvriers de New York, ce qui contribue également à forger ses convictions. Change la rhétorique ancienne sur la contraception liée à la révolution et la lutte des classes (arme pour émancipation du prolétariat, donner moins de " chair à canon " et d’ouvriers à la classe dominante). Met en avant une argumentation fondée sur l’épanouissement sexuel, conjugal et familial. Mouvement du Birth Control (revue, dispensaire). Diffusion du Birth Control plus tardive en France (loi
de 1920 interdit la contraception) : La Maternité Heureuse fondée
en 1956 (ancêtre du Planning Familial).
Simone de Beauvoir avec Le Deuxième Sexe (1949) Ne se disait pas féministe à l’époque ; assez caustique sur les féministes Revendique le droit à la jouissance sexuelle, l’égalité entre les sexualités (homo/hétéro), le droit à l’avortement, à un autre destin que celui de mère au foyer (qu’elle critique). Toutes revendications reprises plus tard par le MLF, que Beauvoir soutiendra. On note le passage de revendications publiques (premières
féministes fin XIXe-début XXe) à des revendications
privées (sexualité au cœur des luttes du MLF).
Pendant la discussion : Une mise au point sur l’histoire des genres (Gender Studies) : ? histoire des femmes (histoire compensatoire) = histoire du masculin et du féminin, de la construction
même de la différence sexuelle (Comment les sociétés
produisent la différenciation des genres à travers les institutions,
les acteurs, les discours et recherche des évolutions avec notamment
la question controversée de l’impact des guerres : émancipation
ou renforcement de l’idéal viril et masculinisation de la société
?)
Quelques rappels sur le statut juridique de la femme mariée : Fin XIXe-début XXe : pas de secret de correspondance Capacité civile acquise en 1938 (renforcée sous Vichy à cause de l’absence des 1,5 million de prisonniers). Droits limités par le régime matrimonial légal (communauté) sous lequel le patrimoine et les revenus de la famille sont gérés par le mari. Autorité parentale substituée à l’autorité paternelle en 1970 Notes d'Anne Boucker - 15/11/2004
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